Les indicateurs d'opacité

Le Financial Secrecy Index (l’indice d'opacité financière) est un classement des juridictions basé sur la combinaison d'une mesure qualitative (le score d'opacité basé sur 20 indicateurs clés) et d'une mesure quantitative (le poids à l’échelle mondiale donnant une idée de la taille d'un centre financier offshore donné). On combine arithmétiquement le score d'opacité avec le poids à l’échelle mondiale selon la formule spéciale suivante : le score d'opacité d'une juridiction élevé au cube, multiplié par la racine cubique de son poids à l’échelle mondiale donne le score final qui sera ensuite utilisé pour le classement du Financial Secrecy Index qui prend en compte l’indice d’opacité financière. Pour une lecture approfondie concernant notre méthodologie, cliquez ici.

Ci-dessous, vous trouverez les 20 indicateurs d'opacité que nous avons utilisés pour évaluer les juridictions. En cliquant sur chacune d'entre elles, vous aurez accès à une description détaillée de l'indicateur. Vous trouverez un résumé de chaque indicateur à la suite de cette liste.

  1. Secret bancaire
  2. Registre des trusts et fondations
  3. Enregistrement des propriétaires  des sociétés
  4. Autres types de patrimoine
  5. Transparence des sociétés en commandite
  6. Propriété des sociétés ouvertes
  7. Comptes des sociétés ouvertes
  8. Déclaration pays par pays
  9. Publication des informations fiscales des sociétés
  10. Identifiant d'entité juridique
  11. Capacité de l'administration fiscale
  12. Cohérence de l'impôt sur le revenu des personnes physiques
  13. Éviter d'encourager l'évasion fiscale
  14. Transparence de la cour de justice fiscale
  15. Structures nuisibles
  16. Statistiques publiques
  17. Lutte contre le blanchiment d’argent
  18. Échange automatique de renseignements
  19. Traités bilatéraux
  20. Coopération judiciaire internationale
 

Encadré : « Vous avez jugé mon pays trop durement ! »

Le Financial Secrecy Index est (sans surprise) critiqué par les juridictions opaques. Les critiques les plus courantes se trouvent ci-dessous accompagnées de nos réponses génériques.

« Vous êtes en train d’attaquer x » (par exemple «attaquer la Suisse »)
  R:  Non, nous ne sommes pas en train de vous lyncher « vous » en particulier. Nous « lynchons » tout le monde. Lisez par exemple nos rapports concernant le Royaume-Uni ou les États-Unis avant de lancer cette accusation.
« Nous avons fait l'objet d'une évaluation par des pairs par untel et il nous a dit que nous sentons bon la rose ! »
  R : Nous n'utilisons pas les « normes internationalement reconnues » comme références. C'est parce que nous voulons que les choses s’améliorent, nous avons placé la barre plus haute encore. Pas de chance.
« Vous n'avez pas pris en compte notre récente réforme xyz! »
  R : En fait si, quasiment toujours. C'est parce que nous avons une date butoir claire (généralement fin décembre 2016) que nous pouvons utiliser pour comparer les pays de manière équitable. Nous n'accordons aucun traitement de faveur à ce sujet. De toute manière, vos réformes n'affecteront probablement pas le classement de votre pays, notamment parce que la plupart des autres pays s'améliorent eux aussi. Nous inclurons vos réformes dans le Financial Secrecy Index 2020.
« Il n'y a aucune donnée »
  R : C'est peut-être parce que vous vous focalisez sur les rapports narratifs. Il s'agit de récits politiques et économiques. Pour accéder aux données, vous devez consulter les rapports relatifs aux bases de données.

 

Un résumé de chaque indicateur clé d'opacité en bref

 

Nos 20 indicateurs d'opacité peuvent être regroupés dans quatre grandes dimensions d'opacité qui se chevauchent dans une certaine mesure. A) l'enregistrement de la propriété ; B) la transparence de l'entité juridique ; C) intégrité de la réglementation fiscale et financière ; et D) les normes et  coopération internationales. Voici un bref résumé de chacun. 

Les résumés ci-dessous ne traitent pas de nombreuses nuances de l’opacité. Si vous n'êtes pas d'accord avec l'évaluation d'une juridiction, veillez à consulter la description détaillée de l'indicateur ci-dessus, et non pas le résumé ci-dessous.

 

A: Enregistrement de la propriété

Il peut y avoir une différence considérable entre le propriétaire légal d'un actif et le bénéficiaire effectif. Essentiellement, le ou les propriétaires sont des humains faits de chair et de sang qui, en définitive, contrôlent ou peuvent profiter de l'actif ou des avantages qu'ils en tirent. Très souvent, le propriétaire légal est une ou des personnes différentes : par exemple, le mandataire d'un trust est techniquement le propriétaire légal des actifs du trust, mais il ne peut les gérer que selon des instructions précises ; le mandataire ne peut tirer aucun avantage personnel du trust (à l'exception des honoraires pour les services rendus.)

Indicateur 1 : Le secret bancaire 

Il permet de déterminer dans quelle mesure les informations pertinentes concernant les bénéficiaires réels des comptes bancaires doivent être enregistrées, vérifiées et conservées par la banque concernée, et si ces informations sont partagées avec les autorités locales compétentes pour permettre l'échange d'informations. Ces informations doivent être faciles d'accès sans trop de barrières (par exemple, le besoin d’une ordonnance du tribunal) pour les obtenir. En outre, les peines d'emprisonnement ne devraient pas être appliquées même en cas de violation du secret bancaire et les transactions importantes devraient systématiquement être déclarées à un organisme gouvernemental.

Indicateur 2 : Registre des trusts et des fondations

Cet indicateur examine dans quelle mesure une juridiction enregistre et publie  des informations détaillées concernant les différentes parties des trusts et/ou des fondations privées au sein d'un registre central accessible sur internet. Comme il peut être difficile de déterminer exactement qui est le bénéficiaire effectif d'une structure juridique, nous exigeons que les registres révèlent toutes les parties concernées par ces accords. Par ailleurs, les lois de toutes les juridictions ne prévoient pas forcément la création de fondations privées, qui sont créées comme si les fondations étaient rendues totalement transparentes. 

Indicateur 3 : Enregistrement des propriétaires des sociétés 

Cet indicateur détermine si une juridiction exige de toutes les sociétés à responsabilité limitée qu’elles transmettent l'identité du propriétaire légal et/ou du bénéficiaire effectif à l'autorité gouvernementale compétente au moment de la constitution, et de les tenir à jour. Cet indicateur ne détermine pas si cette information est rendue publique ou non. 

Indicateur 4 : Autres types de patrimoine

Cet indicateur évalue la transparence concernant la propriété de biens immobiliers et des biens de valeur stockés dans des zones franches. En ce qui concerne l'immobilier, il vérifie si une juridiction exige la publication en ligne des propriétaires effectifs et/ou légaux de biens immobiliers, gratuitement ou contre le paiement de frais. Quant aux zones franches, il analyse si une juridiction offre et promeut ses zones franches (ou lieux similaires tels que les entrepôts sous douane) pour le stockage de biens de valeur et si elle impose l'enregistrement et l'échange automatique transfrontalier de l'identité des propriétaires légaux et/ou des bénéficiaires effectifs des biens de valeur stockés.

Indicateur 5 : Transparence des sociétés en commandite

Cet indicateur se situe entre la section A (enregistrement de la propriété) et B (transparence de l'entité juridique), car il intègre deux aspects de la transparence des sociétés en commandite. En ce qui concerne la propriété effective (BO) et/ou la propriété légale (LO), il détermine si une juridiction exige que toutes sortes de sociétés en commandite publient l'identité des propriétaires, avec ou sans frais. En ce qui concerne les comptes annuels, il vérifie si toutes les sociétés en commandite sont tenues de déposer leurs comptes annuels auprès d'une autorité ou administration gouvernementale et s'il leur est exigé de les rendre accessibles en ligne, avec ou sans frais.

 

B: Transparence de l'entité juridique

 

Au-delà de la déclaration des informations indispensables aux autorités publiques, l'accessibilité de ces informations au grand public est essentielle pour garantir que les acteurs puissants tels que les entreprises multinationales et les élites mondiales soient responsables... Les données relatives à la propriété, à la structure et à la comptabilité ne s'avèrent pas seulement utiles aux investisseurs, mais aussi au grand public. La mise à disposition en ligne de ces données permet aux journalistes d'investigation et aux chercheurs d'accéder rapidement à des informations précises et assure un climat des affaires plus prévisible et transparent.

Indicateur 6 : Propriété des sociétés ouvertes

Cet indicateur détermine si une juridiction demande à toutes les sociétés à responsabilité limitée de toute sorte de publier les informations actualisées concernant la propriété effective et/ou la propriété légale, dans des registres publics accessibles via Internet, avec ou sans frais. Cet indicateur n’évalue que les sociétés qui ne sont pas cotées en bourse.

Indicateur 7 : Comptes des sociétés ouvertes

TCet indicateur détermine si une juridiction exige que tous les types de sociétés à responsabilité limitée existantes déposent leurs comptes annuels auprès d'une autorité ou administration gouvernementale et les rendent accessibles en ligne, avec ou sans frais.

Indicateur 8 : Déclaration pays par pays

Cet indicateur indique si les sociétés cotées en bourse ou les sociétés constituées dans une juridiction donnée sont tenues de publier des données de déclaration financière mondiales, sur une base de déclaration pays par pays.

Indicateur 9 : Publication des déclarations fiscales des sociétés

Cet indicateur prend en compte trois aspects des règles d’une juridiction en matière de publication des informations fiscales des sociétés. En ce qui concerne les déclarations pays par pays générales et en lien avec le BEPS Action 13 de l'OCDE, l'indicateur détermine si une juridiction garantit l'accès à la déclaration pays par pays de toute Entreprise multinationale (EMN) étrangère exerçant des activités sur le territoire national et réalisant un chiffre d'affaires mondial consolidé supérieur à 750 millions d'euros. En ce qui concerne les accords préalables transfrontaliers et unilatéraux sur les prix de transfert et autres décisions administratives unilatérales, l'indicateur détermine si tous ces accords sont publiés en ligne gratuitement ou si, au moins, certains sont mis à disposition moyennant paiement. Concernant la publication des contrats de l'industrie extractive, l’indicateur évalue si la juridiction publie les contrats de l’industrie minière (minerai et pétrole) en ligne gratuitement et si la publication des contrats est requise par le droit.

Indicateur 10 : Identification de l'entité juridique

Cet indicateur examine dans quelle mesure une juridiction demande aux entités juridiques nationales d'utiliser l'Identifiant d'entité juridique (LEI). Un système LEI mondial a été mis au point sous la direction du Conseil de stabilité financière (FSB) et il fournit un numéro d'identification unique aux entités juridiques effectuant des transactions financières. Parfois qualifié de « carte de visite internationale », toute entité juridique établie dans n’importe quel pays peut demander et utiliser un LEI. 

 

C: Intégrité de la réglementation fiscale et financière


Divers facteurs institutionnels ou structurels encouragent un comportement économique préjudiciable dans le monde entier. Par exemple, si une administration fiscale n'a pas les moyens de faire respecter les lois fiscales locales, alors cela favorise une culture de non-respect des règles. Si une juridiction applique des règles clémentes en matière de résidence fiscale et de citoyenneté, et ne dispose pas d’un impôt sur le revenu des particuliers alors elle peut inciter les non-résidents à prendre une fausse adresse pour continuer à se soustraire à l’impôt en déjouant le système d'échange automatique d’information. Enfin, la mise en circulation de grosses coupures confère à son utilisateur des moyens de paiement anonymes.

Indicateur 11 : Capacité de l'administration fiscale

Cet indicateur examine la capacité de l'administration fiscale des juridictions à collecter et à traiter des données pour enquêter, et finalement taxer les personnes et les entreprises qui disposent généralement le plus de moyens et de possibilités d'échapper à leurs obligations fiscales. L'indicateur évalue la capacité organisationnelle, les conditions préalables de traitement des données, ainsi que la disponibilité de règles pour la collecte ciblée de renseignements sur des activités d'évitement fiscal complexes et risquées.

Indicateur 12 : Cohérence de l'impôt sur le revenu des personnes physiques

Cet indicateur analyse si un pays applique un régime d'imposition sur le revenu des personnes physiques (IRPP) compatible avec les systèmes d'impôt (progressif) de la plupart des pays du monde, ou si ses lois permettent un laxisme en matière de citoyenneté et/ou de résidence, et si sa législation sur l'impôt sur le revenu est minimale, provoquant alors l'apparition de puits de secret financier pour les fraudeurs fiscaux et les criminels. Deux dimensions du cadre juridique d'une juridiction sont analysées conjointement : si le système d’imposition sur le revenu est complet et si la citoyenneté ou le statut de résident la juridiction peut être acquis moyennant un investissement passif ou un payement.

Indicateur 13 : La juridiction évite de promouvoir l'évasion fiscale

Cet indicateur détermine si une juridiction facilite l’évasion fiscale et encourage la concurrence fiscale au moyen de son traitement des revenus du capital dans la législation fiscale locale. L’indicateur détermine si une juridiction inclut les revenus mondiaux du capital dans son assiette d’impôt sur le revenu et si elle accorde des crédits d’impôt unilatéraux pour les impôts étrangers payés sur certains revenus du capital venant de l'étranger. Les types de revenus du capital inclus sont les paiements d'intérêts et de dividendes. 

Indicateur 14 : Transparence de la cour de justice fiscale

Cet indicateur évalue la transparence du système judiciaire d'une juridiction en matière fiscale, en analysant deux aspects pertinents. Concernant la transparence des procédures judiciaires en matière fiscalité civile, administrative et pénale, il détermine si le public a systématiquement le droit d'assister aux procès au complet, et si elle ne peut être contrainte de quitter la salle d'audience lorsqu'une partie invoque le secret fiscal, le secret bancaire et le secret professionnel ou des règles de confidentialité assimilées. En ce qui concerne l'accessibilité publique des verdicts ou des jugements, l'indicateur détermine si toutes les décisions écrites résultant des procès fiscaux civils, administratifs ou pénaux sont publiées en ligne, et accessibles avec ou sans frais.

Indicateur 15 : Structures nuisibles

Cet indicateur évalue la présence de quatre instruments et structures nuisibles dans le cadre juridique et réglementaire d'un pays. En ce qui concerne l'usage de grosses coupures, l’indicateur détermine si une juridiction émet ou accepte la circulation de grosses coupures d’une valeur supérieure à 200 euros, livres sterling ou dollars US, dans sa propre monnaie. Pour ce qui est des actions au porteur, il détermine s'il existe des sociétés avec des actions au porteur non enregistrées. S'agissant des sociétés à responsabilité limitée de série (Series LLCs) ou des sociétés de cellules protégées (PCC), l'indicateur détermine si une juridiction autorise la création de telles sociétés. Enfin, pour les trusts, l'indicateur évalue si une juridiction interdit la gestion de trusts avec des clauses de fuite (« flee clause »), qu'elles relèvent du droit étranger ou national, pour tous les mandataires sur son territoire

Indicateur 16 : Statistiques publiques

Cet indicateur mesure dans quelle mesure une juridiction met à la disposition du public dix ensembles de données statistiques pertinents sur sa position internationale en matière financière, commerciale, d’investissement et fiscale.

 

D: Normes et coopération internationales


La mondialisation financière fait que les pays doivent coopérer et partager les informations sur leurs contribuables respectifs, s'ils veulent pouvoir collecter l'impôt et contrôler efficacement leurs citoyens et leurs criminels. Certains mécanismes de coopération sont bilatéraux, alors que plusieurs initiatives multinationales sont en place ou en préparation. La recherche présentée dans cette section s’inspire des recommandations du Groupe d’action financière (GAFI) et examine les accords et normes multilatérales élaborés par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et l’Organisation des Nations Unies (ONU).

Indicateur 17 : Lutte contre le blanchiment d’argent

Cet indicateur examine dans quelle mesure la lutte contre le blanchiment d'argent d'une juridiction ne respecte pas les recommandations du Groupe d'action financière, l'organe international dédié à la lutte contre le blanchiment d'argent.

Indicateur 18 : L'échange automatique d'informations

Cet indicateur évalue : (1) si les juridictions ont signé l'Accord multilatéral entre autorités compétentes (MCAA), qui fournit le cadre juridique multilatéral permettant l'échange automatique d'informations (AEOI) conformément à la Norme Commune de Déclaration (CRS) de l’OCDE, (2) avec combien d’autres juridictions échangent-elles des informations dans le cadre de la MCAA, (3) dans quelle mesure des obstacles empêchent l’échange d’informations efficace dans le cadre de la MCAA, (4) dans quelle mesure cela améliore la transparence et l’échange automatique d’informations, (5) si une juridiction participe à un projet pilote d’aide aux pays en développement.

Indicateur 19 : Traités bilatéraux

Cet indicateur examine dans quelle mesure une juridiction a établi 108 relations d'échange de renseignement conformes au standard « à la demande » mis au point par l'OCDE et le Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements. Le choix du nombre 108 (en novembre 2019) provient du nombre de juridictions qui ont adhéré à la Convention de l’OCDE/Conseil de l’Europe concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale («convention fiscale ») qui permet l'échange de renseignements sur demande parmi les pays adhérents.

Indicateur 20 : Coopération judiciaire internationale

Cet indicateur clé quantifie le degré de participation d'une juridiction aux engagements internationaux en matière de transparence et de participation à la coopération judiciaire internationale en matière de blanchiment d'argent ainsi que d'autres affaires pénales. Tandis que le premier tient compte de l’adhésion d’une juridiction à des engagements internationaux tels que la Convention des Nations Unies contre la corruption de 2003 ou la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme de 1999, le dernier évalue la coopération selon les recommandations du Groupe d’action financière (GAFI), y compris les aspects tels que l'entraide judiciaire et les demandes d'extradition en matière de blanchiment d'argent.