What are the politics of secrecy?
De nombreuses juridictions classées dans l'indice d'opacité financière (Financial Secrecy Index) sont habituellement décrites comme des paradis fiscaux, et les paradis fiscaux sont souvent perçus comme de petites îles bordées de palmiers, remplies de cabinets d’avocats douteux, de yachts et de nombreuses sociétés-écrans. Des endroits ensoleillés pour des gens de l’ombre.
Le Financial Secrecy Index lève le voile sur une situation politique bien plus riche et plus complexe. Les plus grands acteurs mondiaux en matière d'opacité financière ne sont pas forcément ces îles perdues au milieu de l'océan que tout le monde imagine mais plutôt des pays riches, principalement des membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ou des « satellites» des pays de l'OCDE, surtout de la Grande-Bretagne.
Par ailleurs, nous sommes aussi tout particulièrement préoccupés par les États-Unis, ainsi que par certains pays du continent européen : le Luxembourg, la Suisse et les Pays-Bas, figurent également parmi les 10 premiers de notre classement. Les pays membres de l'OCDE et leurs diverses dépendances représentent plus de 80 % du marché mondial des services financiers offshore.
Il en résulte deux conséquences importantes. Les pays du G20 ont confié à l’OCDE (basée à Paris), la responsabilité de s’attaquer à l'opacité financière et aux juridictions opaques (ou paradis fiscaux). L’OCDE a joué un rôle crucial non seulement en termes de transparence, mais également dans la mise en place d’un cadre global pour l’impôt sur les sociétés, de conventions fiscales et bien plus encore.
Un quiproquo géographique
Très souvent, lorsqu'un État tente de réprimer les activités destructrices d'un autre, cela est décrit comme une « bataille » entre deux pays. Par exemple, lorsque les États-Unis ont commencé à arrêter les banquiers suisses en 2008, les banquiers suisses ont utilisé cela pour rallier la majeure partie du pays à leur cause en incarnant l'image de courageux défenseurs alpins faisant face au grand tyran américain. Mais cette « perspective géographique » est trompeuse. Il est important de changer le cadre de référence. Il ne s’agissait clairement pas d'un affrontement entre un pays et un autre, mais d’une question de politique sur la richesse. Cet affrontement opposait en fait les fraudeurs fiscaux et criminels américains fortunés ainsi que leurs intermédiaires financiers (en Suisse et ailleurs), contre les contribuables américains ordinaires et l’État de droit. C'est fondamentalement la même histoire dans tous les autres pays.
Ainsi, les politiques de l’opacité sont un récit fascinant et complexe sur les luttes de pouvoir entre les pays riches et les pays pauvres, entre les élites fortunées se soustrayant à la loi et les citoyens ordinaires à l’intérieur des pays, et bien souvent, une combinaison des deux.